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CAP A GAUCHE

Pour faire vivre la démocratie

Il faut bien commencer quelque part... ou la Grèce comme terrain d’expérimentation

Il faut bien commencer quelque part... ou la Grèce comme terrain d’expérimentation

Les dernières attaques contre les services publics de l’audiovisuel grecs ressemblent fort à une pierre jetée à l’eau par les tenants du libéralisme, les lobbys européens et les bailleurs de fonds…une pierre lancée dans une eau croupie par l’austérité afin de mesurer le potentiel de réaction et les capacités de mobilisation du peuple Grec. Car il s’agit bien pour la coalition gouvernementale grecque de répondre aux exigences de la commission européenne d’effectuer des changements structurels économiques en contrepartie des aides accordées. Ces changements structurels, tous les Européens les connaissent bien maintenant puisqu'ils sont exigés et monnayés dans le cadre des réductions des « déficits budgétaires ». La France, a ainsi obtenu un délai de deux ans pour ramener ses déficits dans les clous des 3% contre de nouvelles réformes structurelles précises.

Le refrain est connu. Dès que l'Europe parle de réformes ou de changements structurels, il s’agit de privatiser et de restreindre toujours davantage le champ des services publics. C’est inscrit dans les traités européens et la commission européenne veille au grain afin qu’aucun gouvernement ne soit tenté d’emprunter une autre voie.

C’est pourquoi, pour avancer dans ces réformes structurelles, le pouvoir de résistance des peuples doit être testé afin de mesurer l’intensité et la rapidité des changements possibles. On peut penser ainsi que la Grèce comme d’autres pays où l’austérité est déjà bien à l’œuvre sert de champ d’expérimentation. Il faut bien commencer quelque part et « la Grèce » n’a ni la reconnaissance diplomatique, ni la puissance de réaction d’autres états ou pays européens. Il vaut mieux choisir pour expérimenter, un pays où l’austérité a déjà commencé à briser les possibilités de réaction. C’est en partie le cas en Grèce, où une part importante de la population, rendue pauvre par une austérité croissante, est confrontée quotidiennement à la question de sa survie. Rappelons que le montant du SMIC est de 500 € pour des prix équivalents aux autres états européens. Une misère organisée, qui fait de la Grèce un lieu privilégié pour proposer des réformes structurelles osées.

Fermer la télévision et la radio publiques est en effet une décision très « provocatrice». Elle nous rappelle le temps de la dictature des colonels qui pourtant n'avaient jamais osé franchir ce pas. On ne peut qu’être stupéfait et choqué par cette décision qui s’apparente à un coup d’état cherchant à bâillonner la liberté d’expression. Mais il serait dommageable pour les Grecs comme pour les autres peuples européens d’en rester à l’indignation ou à l’autosatisfaction de réussir à faire reculer la coalition gouvernementale.

Très vite, il va falloir dépasser les constats et analyser les raisons qui font qu’aujourd’hui dans un pays européen dit démocratique, il est envisageable de prendre une telle mesure. Cet événement politique nous démontre brutalement que certains hommes politiques seraient sans doute prêts à aller jusqu’au totalitarisme pour mettre en œuvre les changements structurels exigés par les bailleurs de fond et l’Europe libérale.

Car cette décision prise par la coalition gouvernementale grecque n’est pas anodine. Elle va dans le sens demandé et préfigure ce qui sera bientôt exigée de tous les gouvernements européens tardant à engager ces réformes. Elle indique la voix à suivre, elle est en quelque sorte la feuille de route : baisse des salaires, suppression des services publics et toujours plus de privatisations. Aucun champ ne doit y échapper et il faut y préparer les peuples rebaptisés en l’occurrence «opinion publique» : santé, culture, protection sociale, éducation, audiovisuel… tout doit passer à la moulinette de la privatisation et du libéralisme.

Ce coup d’éclat de la coalition gouvernementale grecque recomposée depuis peu du seul parti socialiste grec et du parti de droite de M. Samaras est plus qu’un avertissement. On doit en prendre conscience. Car si nous n’arrivons pas à inverser la tendance, il deviendra de plus en plus compliqué de réagir et surtout de proposer d’autres alternatives. Car celles-ci existent. Elles reposent sur une autre répartition des richesses, sur une solidarité entre les peuples européens pour donner sens à un nouveau projet où ce qui importe n’est plus la concurrence des travailleurs entre eux mais la juste et nécessaire égalité sociale et économique. L’Europe comme l’ensemble de l’occident n’a jamais été aussi riche. Ce n’est pas de richesses que nous manquons mais d’une meilleure redistribution…

Pierre Maudel

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