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CAP A GAUCHE

Pour faire vivre la démocratie

Contribution à la réflexion sur «l’offre culturelle à Portiragnes» ; premier volet

Contribution à la réflexion sur «l’offre culturelle à Portiragnes» ; premier volet
Après la réunion proposée par la municipalité dans le cadre de l’Agenda 21 sur l’offre culturelle à Portiragnes, Cap A Gauche a souhaité revenir sur l’histoire des politiques culturelles en France afin de tenter de définir succinctement un cadre à l’objet de la discussion et des échanges qui se sont tenus lors de cette réunion du jeudi 18 octobre.

La Culture et quelques définitions

En guise de préambule, revenons sur quelques définitions de « la culture ».

En français, le mot « culture » possède de multiples sens, tous issus de sa racine latine : colere (cultus) «travailler la terre», «habiter», «honorer», «action de prendre soin»…

Les agriculteurs « prennent soin » de la terre et exploitent son potentiel à travers un ensemble d’opérations appelées la culture. Les croyants « prennent soin » de leurs dieux et entretiennent leur relation avec eux par le culte.

Les êtres humains « prennent soin » de leur corps et de leur esprit par des activités regroupées sous les termes de « culture physique » et de « culture de l’esprit ».

Depuis le milieu du XIXe siècle, les anthropologues, ont conceptualisé, étudié et défini la culture, celle que Le petit Robert définit comme étant :

 « L’ensemble des aspects intellectuels propres à une civilisation, une nation » et « L’ensemble des formes acquises de comportement ».

L’Unesco propose elle aussi une définition très globale issue de la conception anthropologique de la culture :

« La culture, dans son sens le plus large, est considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances. »

Après cet avant-propos, essayons de préciser les deux principales logiques qui sous-tendent les politiques culturelles mises en œuvre par l’Etat et les collectivités.

Les prémisses des politiques culturelles

En France, le pouvoir a depuis longtemps tenu à légiférer dans le domaine de la conservation de ce qui témoigne de la culture nationale : création des Académies, mécénats royaux, naissance d’une politique du patrimoine sous la période révolutionnaire (Bibliothèque nationale, Archives nationales, Muséum central des Arts).

Au XIXe siècle, la troisième république affirme sa volonté d’une part de protéger le patrimoine en créant une multitude de bibliothèques et de musées et d’autre part d’en faire un objet d’enseignement en installant, au sein du ministère de l’Instruction publique, une Direction des Beaux-arts.

Au XXe siècle, le Front populaire mène une politique de vulgarisation des grandes œuvres du patrimoine, notamment auprès des jeunes. Cette politique est relayée par nombre d’associations qui s’efforcent d’introduire des « activités culturelles » dans les loisirs naissants.

L'intervention de l'état dans le domaine culturel est particulièrement marquée sous le régime de Vichy, puisque ce régime prétend définir une culture française d'où seraient en particulier exclus les Juifs, qui en vertu du statut de 1940 ne peuvent exercer de professions artistiques (cinéma, musique, théâtre, radio).

La Résistance, de son côté, a envisagé l'après guerre aussi en termes culturels. De nombreux intellectuels et artistes appartiennent à des mouvements de résistance. Le programme du conseil national de la résistance évoque l’accessibilité de tous à « la culture la plus développée ». En 1945, des résistants veulent développer l’éducation populaire et créent l’association « Peuples et cultures ».

À partir de 1947, Jean Vilar anime le Festival d’Avignon, rendez-vous incontournable d’un théâtre vivant et populaire. La démarche de diffusion et de confrontation que choisit Jean Vilar s’appuie sur les mouvements de la jeunesse, les comités d’entreprises, des amicales laïques et remporte un grand succès.

De plus en plus, la culture se confond avec l’art qui occupe une place de choix.

L’État français se montre déjà très soucieux de promouvoir ce dernier et de le contrôler dans la mesure où il paraît constituer un atout national qu’il n’entend pas abandonner à l’initiative privée ou des seuls artistes.

Cette volonté politique va connaître un essor considérable en 1959 avec André Malraux et la mise en place d’un ministère de la culture.

Naissance d’une politique culturelle ; Malraux et la démocratisation culturelle

"Le ministère chargé des affaires culturelles a pour mission de rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la France, au plus grand nombre possible de Français ; d’assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel, et de favoriser la création des œuvres de l’art et de l’esprit qui l’enrichissent."
Journal officiel, 26 juillet 1959.

C’est la première fois que l’État affirme sa volonté d’agir de manière officielle dans ce domaine et d’y poursuivre un dessein politique.

Il s’agit, grâce à la promotion d’une haute culture nationale, de reconstituer une unité entamée par la défaite de 1940 et le régime de Vichy, puis par les guerres coloniales et les crises qui ont abouti à la fin de la IVe République.

La grande ambition de Malraux est de permettre à la population de se confronter directement aux chefs-d’œuvre en allant assister à leur spectacle et en ayant accès aux reproductions et aux livres dans des lieux conçus à cet effet « les maisons de la culture ». Malraux veut en quelque sorte provoquer entre le citoyen et l’art un « choc émotionnel » qui ne requiert aucun intermédiaire.

Cette conception de la « démocratisation » affirme la primauté de l’excellence artistique qui agit par sa seule force et n’a donc besoin ni de commentaire ni d’explication.

La politique du ministère de la culture de Malraux s’est articulée autour des points suivants :

• favoriser la décentralisation culturelle, jusque là encore très centrée à Paris,

• briser les privilèges de classe

• sauvegarder le patrimoine pour qu'il profite à tous

• stimuler la création.

Ainsi très rapidement, le ministère de la culture va financer des équipes artistiques et une nouvelle administration pour être au service de la production artistique et de sa diffusion auprès des « citoyens ».

Mai 1968, une nouvelle approche de la politique culturelle ; vers la démocratie culturelle

Les mouvements de 1968 remettent en question la conception d’une culture savante et dans les années qui suivent, le débat oppose démocratisation culturelle et démocratie culturelle à travers les oppositions entre création et créativité, œuvres artistiques et expression, pédagogie et animation, culture au sens hiérarchisé de culture savante et culture au sens étendu et relativiste de culture anthropologique.

Alors que le principe de la démocratisation ne remet pas en question la culture savante, mais seulement l’inégalité de sa répartition, le principe de la démocratie culturelle conteste au nom d’un relativisme égalitariste, les privilèges de la culture savante.

Le principe de la démocratie culturelle a sans doute trouvé une part de sa justification dans les limites de l’entreprise de démocratisation. Les analyses sociologiques font ressortir le décalage entre les objectifs et la médiocrité des effets d’une politique de démocratisation culturelle fondée sur l’hypothèse du diffusionnisme et du miracle de la rencontre avec l’art. Les nombreuses études constatent que la progression du public ne s’effectue guère qu’en puisant dans la réserve des classes moyennes : le nombre des pratiquants culturels issus de ses classes augmente et la consommation artistique de leurs fractions les plus pratiquantes s’intensifie.

Synthèse sur les logiques des politiques culturelles

Première logique des politiques culturelles : la démocratisation de la culture

Dans les politiques culturelles mises en œuvre aujourd’hui, l’idéal de la démocratisation de la culture peut se résumer par la formule :

faire accéder le plus grand nombre à la culture, sous entendu à la culture “ cultivée “, à la culture légitime.

La stratégie de démocratisation comporte ainsi deux grands volets :

- conserver et diffuser les formes héritées de la culture savante,

- soutenir la création dans ses formes actuelles.

La démocratisation culturelle s’appuie sur :

- l’éducation artistique ;

- la mise en place de relais et notamment de médiateurs ;

- la politique tarifaire ;

- l’aménagement des horaires d’ouverture des établissements culturels ;

- la diversification des lieux de diffusion et de proximité (nouveaux lieux, espaces publics),…

Elle se concrétise par des actions diversifiées :

- artistes intervenants (écoles, quartiers...) ;

- résidence d’artistes en milieu défavorisé ;

- jumelage établissement culturel / collectivité locale / structure de quartier ;

- formation des professionnels relais (enseignants, animateurs, médiateurs culturels...) ;

- création de postes de médiateurs culturels,…

Seconde logique des politiques culturelles : la démocratie culturelle

On pourrait résumer ainsi la volonté de la démocratie culturelle :

- réhabiliter des cultures spécifiques à des groupes sociaux ou territoriaux d’une part,

- réviser les hiérarchies artistiques établies d’autre part.

La démocratie culturelle s’appuie sur :

-La revitalisation des rites, coutumes, savoirs et savoir-faire, les formes collectives d’expression symbolique qui ont pour enjeu la construction, ou la reconstruction, des identités socioculturelles (cultures populaire, ouvrière ou rurale ; cultures minoritaires, ethniques, régionales ou locales ; cultures de groupes, femmes, jeunes, quart-monde, etc.).

- La dé-hiérarchisation de l’art

- L’Élargissement de la définition de l'art et de la culture par l’ouverture à des formes nouvelles : chanson, jazz, arts de la rue, mode, design, création industrielle, gastronomie,…

Elle se concrétise par des actions diversifiées :

- soutien aux pratiques amateurs ;

- création partagée artistes/habitants (concrétisée par des résidences d’artistes) ;

- soutien à l’expression culturelle populaire (cela reste assez évasif quant aux contenus réels) ;

- projets visant l’expression interculturelle.

Aujourd’hui, les deux logiques d’action que sont la démocratisation culturelle et la démocratie culturelle sous-tendent les politiques culturelles. Elles ne sont pas incompatibles et s’interpénètrent au point qu’on soit très souvent dans l’incapacité de les distinguer…

On voit des actions de démocratisation qui s’appuient notamment sur les caractéristiques d’un territoire et de ses habitants. Et réciproquement, on voit des actions de démocratie culturelle s’appuyer sur des ressources institutionnelles et les acteurs culturels du territoire.

…A suivre

Sources

Gouvernement : politiques culturelles
Démocratisation de la culture et/ou démocratie culturelle? 
Comment repenser aujourd’hui une politique de démocratisation de la culture? 
Jean-Louis Genard /Université libre de Bruxelles
http://www.techno-science.net/?onglet=glossaire&definition=5826
http://biblio.recherche-action.fr/document.php?id=208

Malgré les efforts, la démocratisation de la culture est aujourd’hui infime. IkonMalgré les efforts, la démocratisation de la culture est aujourd’hui infime. Ikonotekstgroupe , Officines 2010
Malgré les efforts, la démocratisation de la culture est aujourd’hui infime. IkonMalgré les efforts, la démocratisation de la culture est aujourd’hui infime. Ikonotekstgroupe , Officines 2010

Malgré les efforts, la démocratisation de la culture est aujourd’hui infime. IkonMalgré les efforts, la démocratisation de la culture est aujourd’hui infime. Ikonotekstgroupe , Officines 2010

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